Le sentiment de liberté, ou la capacité de pouvoir l’exercer, vient, somme toute de cette capacité que nous avons en nous de l'idée des contraires, ou d’un certain double inhérent à notre personnalité. Un mot et son contraire, une faculté et son contraire, un principe et son contraire, donner recevoir, sombrer, se relever, blanc noir, œuvrer, ne rien faire, etc. nous amènent finalement, en conclusion, à la notion de vivre et mourir. C’est parce que nous savons que notre vie est vouée à la fin que nous pouvons avoir cette notion des contraires, des doubles, comme si nous possédions en nous-même chaque envers possible de notre identité (comment percevoir un endroit sans envers ?) Ensuite vient le choix, et toutes ces notions se doublent, elles aussi, de notre rapport au temps. Parfois, c’est le moment, parfois, non. Le choix peut-être occasionnel lors d’une expérience ou définitif, c’est une question de conscience et de fidélité à soi-même qui, là aussi, s’exercent.
S’émerveiller devant un paysage est assez courant, mais s’émerveiller, dans un avion, face à la performance technologique, c’est la première fois que ça m’arrive. La première fois que je scrute ce plaisir à décoller, en prenant conscience du génie humain qui a permis cet exploit pour le rendre presque si commun, du moins facile (je pense aux premiers hommes et femmes qui se sont mobilisés dans cet idéal, dans ce but qui paraissait fou à l’époque et se sont obstinés.)
Émerveillement donc devant ce génie humain qui a patiemment inventé ce moyen de franchir des milliers de kilomètres, nous permettre de voler dans les airs, apercevoir les petites lumières témoins de nos villes ou les signaux des phares au milieu de l’océan … Et je pense à la suite : car si le progrès était au départ le désir légitime d’« une évolution vers plus de connaissance pour le bonheur, le bien-être de l’homme et de la société », pourquoi ne continuerait-on pas dans cette direction, et non en dévier l’objectif pour plus de profit, au péril d’une déshumanisation qui nous rapproche d’un recul, d’une régression de la société nous entraînant peu à peu vers un mal être, face à la détérioration des relations et, au final, en dévier les intentions dans une conscience perdue… Mais ne dit-on pas « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ?…
L’amour est le miracle d’être entendu jusque dans nos silences, et d’entendre en retour avec la même délicatesse ; la vie à l’état pur, aussi fine que l’air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse.
J’entends beaucoup d’échos contradictoires, de messages de grand espoir en même temps que de désespoir et de haine contre les uns ou les autres, comme chaque fois que la peur et la frustration que l’on ne pense pas mériter se déchainent. Faire le tri sans doute. Et dire : qu’il n’y a rien pour rien, que ce qui arrive était sans doute inscrit. Fatalisme ? Peut-être.
Espoir que les choses changent enfin, que les êtres humains évoluent vers le mieux, et le mieux n’est plus associé seulement aux biens matériels mais au mieux de l’être. Être bien dans la nature, être bien avec les siens, être bien avec les autres, être bien. Bien sûr il n’y a pas de bonheur constant, comme une ligne droite, il ne peut qu’être fugace, comme tout, soumis aux variations de l’univers, comme nous en faisons tous partie, cet univers en mouvement, en transformation constante, et bien avec soi-même puisque l’on nous demande d’entrer au plus profond de notre être, la plupart du temps seuls, et bien seuls, et y retrouver l’essentiel.