Nomadland, réalisatrice Chloé Zhao avec Linda May, Swankie et Bob Wells.
Deux heures ça peut être long pour un film. A moins d’être capté totalement par les personnages, l’histoire. Et là, presque, il n’y en pas d’histoire, justement, pas vraiment de rebondissements à spectacle, juste ceux de la vie quotidienne, ou de la vie tout court. On aurait pu, à suivre ces personnages qui ne sont pas fictifs, s’ennuyer. Mais ce n’est pas le cas, parce que dans ce quotidien, certes, un peu hors norme que vivent des « nomade » on entre autant dans sa cruauté, que dans la possibilité d’émerveillement. Tous les sujets de notre vie sont abordés : le deuil, la mort, le magnifique, la solidarité, l’amour, l’amitié, la famille, la possession, (le contraire de nomade), la découverte, et bien sûr le voyage, mais le voyage au travers du temps, et le voyage surtout vers sa propre personne qui peut en être un, de sacré voyage ! Oui, tout aurait pu être ennuyeux s’il n’avait pas été réalisé avec tant de sensibilité, joué avec autant de qualité. On peut s’arrêter sur une cascade, ressentir la joie de la sensation de l’eau sur son corps, la vision de la mer, du ciel et des étoiles, autant que la désarroi face à ses écueils : un pneu crevé, une panne qui devient une catastrophe, ou le départ de ces gens que l’on retrouvera un jour. Parce que c’est cela la force qui les unit, se dire que rien n’a de fin, que tout est éternel, comme l’amour, et la vie justement bien au-delà de la mort. La maladie aussi y est présente, la jeunesse comme la vieillesse, et la solitude, la solitude qui peut être une souffrance, ou une libération, quand on a quelque chose à explorer en soi, quand on a besoin de fuir. Fuir n’est peut-être pas le bon mot. Parce que fuir, c’est se disculper, se sauver. Hors les « nomads » ne se sauvent pas, ils restent au contraire au centre d’eux-mêmes, ou du moins veulent en trouver le chemin. Deux heures donc à brosser un tableau parfait de l’humanité, de l’humain, de ses sentiments dévoilés avec sincérité, comme de la vie sur terre, de ses erreurs, de ses absurdités, avec les valeurs diverses de chacun, des espoirs de tous, aussi différents, que l’on promène comme on se promène dans un van, sans domicile fixe. Un film comme un tour de force pour faire le tour en un voyage dans la vie avec un grand V.